Clio 6 : face au marché, Renault impose son tempo

La marque au losange prolonge l’ère thermique dans un marché qui n’a pas encore acté sa mue vers le tout-électrique. La sixième génération de la Clio assume une transition graduelle, calée davantage sur la demande réelle.
Clio n’est pas prête à céder son trône. L’habituée des podiums de ventes demeure l’une des rares citadines capables de fédérer un public très large, de l’automobiliste urbain au gros rouleur. Ce statut particulier la place toujours au centre des arbitrages de Renault sur cette catégorie clé du marché.
Sur un segment B chahuté par l’électrification, le constructeur français choisit de pousser encore son offre thermique hybride, plutôt que d’accélérer prématurément vers un tout-électrique qui ne s’est pas encore imposé dans la demande réelle.
«Les véhicules thermiques vont s’électrifier, mais leur disparition n’est pas imminente», observe Ivan Segal, directeur général adjoint, ventes et opérations monde auprès de Renault.
C’est là qu’intervient la nouvelle Clio 6, conçue comme un compromis assumé qui, de par son design, préserve les proportions d’une citadine tout en empruntant aux segments supérieurs la technologie embarquée, les aides à la conduite et, notamment, une motorisation hybride plus ambitieuse. Ce n’est pas un hasard si la marque au losange choisit d’opérer cette montée en gamme à partir de son best-seller.
Transmission hybride
Ce positionnement se lit d’abord dans le mix énergétique et dans le choix des motorisations proposées. L’industriel français estime que l’hybride reste un levier très actif sur la catégorie et ne s’en cache pas. En Europe, les ventes de Clio s’établissent à 30% pour l’hybride, soit un niveau supérieur à celui de ses concurrents, le reliquat étant assuré par des motorisations thermiques dont près de 10% en GPL, précise un membre de l’équipe commerciale.
Pour convaincre l’utilisateur au quotidien, le constructeur mise sur des évolutions concrètes, destinées à améliorer le ressenti au volant. Plutôt que de jouer sur la puissance, la marque a travaillé sur la gestion de la transmission afin de mieux contrôler le régime moteur dans certaines situations.
«Nous avons ajouté un mode de fonctionnement dans la gestion de la boîte, ce qui porte de quatorze à quinze le nombre de configurations possibles. Cette évolution intervient notamment autour de 40 à 50 km/h, en côte, pour limiter les montées en régime liées à la recharge de la batterie», observe François de Trogoff, ingénieur en chef du véhicule.
Cette évolution de la transmission hybride incarne une recherche d’intégration fluide de l’électrique dans l’usage quotidien, sans rompre avec les repères du thermique. La conduite reste au centre de l’expérience, alors même que le logiciel prend une place croissante à bord. La cohérence dynamique entre les versions demeure une priorité, avec des bases mécaniques différentes, thermique d’un côté et hybride de l’autre, mais un ressenti volontairement proche pour le conducteur.
«Les réglages de châssis diffèrent, avec des amortisseurs et une barre antidévers spécifiques aux versions thermiques, mais l’objectif reste d’offrir le même comportement», souligne l’ingénierie véhicule.
Au-delà de la pression des nouveaux acteurs chinois, le constructeur doit aussi composer avec les inquiétudes liées à la disparition du diesel sur le segment B. La marque reconnaît que les très gros rouleurs n’ont pas disparu. «Clio était la dernière du segment B à proposer du diesel.
Avec la nouvelle offre, nous misons sur le GPL, avec un réservoir agrandi qui permet d’atteindre environ 1 450 kilomètres d’autonomie, et des émissions de CO₂ inférieures à l’essence dans les pays ouverts à cette énergie», précise un responsable de gamme.
Pour les amateurs convaincus de diesel, la solution retenue ne cherche pas à rejouer la partition du 1.5 dCi, puisqu’elle entérine un nouvel état des lieux où les normes Euro7 et le coût du traitement des émissions rendent le gazole de plus en plus difficile à défendre économiquement en Europe, comme le concède la direction. En parallèle, la stratégie sur le segment B se partage désormais en deux voies assumées, avec, d’un côté, une Clio thermique et hybride pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas encore passer au tout-électrique, et, de l’autre, une Renault 5 positionnée pour les clients déjà prêts à franchir ce cap.
Expérience embarquée
La transformation du champion européen du segment B. ne se limite pas à la motorisation. Côté habitacle, la transformation en un espace numérique intégré…. Grâce à OpenR Link, le véhicule embarque désormais Google Maps, Google Assistant et Play Store — soit l’écosystème d’un smartphone accessible depuis le tableau de bord. En cela, le virage vers l’IA se veut une pièce maîtresse de l’expérience client.
«Une partie des clients préfère désactiver l’assistant, car il fait doublon avec les services Google natifs», admet un membre de l’équipe en charge de l’expérience embarquée.
«Force est de constater qu’une partie clientèle a plutôt tendance à mettre en OFF notre assistant IA parce qu’il vient un peu faire doublon avec l’intelligence artificielle native de Google», observe Delphine de Andria, directrice produit du segment B.
Avec l’arrivée annoncée de l’assistant Gemini sur les modèles Android Automotive, dont Clio 6 fera partie, Renault engage un changement qui dépasse la simple mise à jour technologique, où le véhicule se conçoit comme une plateforme logicielle évolutive, à même de suivre les usages, sans ostentation ni promesse excessive. En dehors du marché européen, la donne est différente. Sur des marchés comme le Maroc, où le diesel conserve une raison d’être, Renault assume une transition plus graduelle.
«Dans un pays comme le Maroc, on va vraiment accompagner le client et faire en sorte qu’il y ait une transition. Aujourd’hui, nous n’avons pas de diesel sur la nouvelle Clio, mais nous continuerons d’en proposer sur un autre modèle», précise la direction produit.
Dans cette logique, la nouvelle Clio ne sera pas déclinée en diesel, ce dernier restant toutefois présent dans la gamme à travers le Kardian, modèle assemblé au Maroc. La marque fait ainsi évoluer son offre en fonction des contraintes locales tout en tirant parti des marges de manœuvre que laisse encore la réglementation.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO







