F1/WEC: Fortunes diverses pour Ferrari
Le week-end qui vient de s’achever illustre à lui seul la complexité du sport automobile moderne : l’instantanéité d’un Grand Prix où tout peut basculer en quelques secondes, et la lente maturation d’un programme d’endurance bâti sur le temps long. Chez Ferrari, ces deux réalités se sont télescopées. D’un côté, un Grand Prix marqué par la frustration, deux abandons précoces et la perte de points cruciaux dans la lutte pour la deuxième place du championnat constructeurs. De l’autre, une victoire historique en Championnat du Monde d’Endurance (WEC), 53 ans après le dernier sacre mondial en prototype. Deux mondes, une même écurie. Deux récits, une même identité : celle d’un constructeur pour qui la performance n’est jamais acquise, mais toujours conquise.
F1 : une course brisée trop tôt
Sur le circuit de São Paulo, le rouge Ferrari s’est vite retrouvé dilué dans les images de débris et de frustration. Charles Leclerc, idéalement placé après une qualification solide, n’aura parcouru que quelques virages avant de voir sa suspension cisaillée par un enchaînement malheureux impliquant Kimi Antonelli et Oscar Piastri. « J’étais au bon endroit, au bon moment… puis tout s’est effondré », résumera le Monégasque, conscient que ces points perdus pourraient peser lourd dans la bataille qui l’oppose à McLaren. Lewis Hamilton, quant à lui, a tenté de poursuivre l’effort malgré une SF-25 profondément endommagée après plusieurs contacts. Le déficit d’appui aérodynamique était tel que la voiture est devenue quasiment inconduisible. Penalty, arrêts prolongés, perte de rythme et, finalement, une décision rationnelle : le retrait. « Appeler Lewis à rentrer était logique, explique le directeur d’équipe Fred Vasseur. On ne pouvait pas espérer revenir, et continuer aurait simplement généré davantage de dommages. » Le constat est clair : Ferrari a montré ce week-end qu’elle sait réagir stratégiquement, mais n’a pas encore trouvé la régularité indispensable pour convertir de bonnes positions en résultats solides. La course au classement reste ouverte, mais elle exigera désormais trois week-ends parfaits.
Endurance : un titre comme un rappel d’identité
À des milliers de kilomètres de là, sous la lumière orangée du Bahrain, la musique était toute autre. La Ferrari 499P, symbole du retour de Maranello dans la catégorie reine de l’endurance, a offert au constructeur le titre mondial qu’il n’avait plus conquis depuis 1972.
Ce sacre est tout sauf un accident. Il est le fruit d’un projet long, structuré, patient. Une vision qui a pris forme en vingt-quatre mois : trois victoires cette saison, des podiums réguliers, une stratégie millimétrée et un trio de pilotes (Pier Guidi, Calado, Giovinazzi) dont la cohésion a souvent été citée en exemple.
Le choix, en fin de course, de laisser Antonio Fuoco et ses coéquipiers monter sur le podium, quitte à céder la troisième place, témoigne d’une approche d’équipe rare, presque artisanale, dans un univers où la hiérarchie peut être brutale. Ferrari remporte ainsi son neuvième titre mondial « overall » en endurance, son premier depuis l’époque du 312 P. Un symbole fort pour une marque dont l’identité est autant liée à la Formule 1 qu’aux grandes épopées du Mans. Et un message clair : la lutte pour la suprématie technologique ne se joue plus exclusivement en Grand Prix.
Deux réalités, une même équation stratégique
Ce double week-end Ferrari révèle quelque chose d’essentiel : en sport automobile, la performance n’est jamais linéaire. L’échec et la victoire coexistent, se nourrissent et s’échangent. La désillusion du dimanche en F1 n’annule pas la portée du titre acquis en WEC. Elle la rend même plus lisible.
Dans un environnement où chaque dixième, chaque décision et chaque contact peut réécrire une saison, Ferrari se retrouve face à l’impératif de l’équilibre : préserver la lutte en F1 tout en capitalisant sur une dynamique victorieuse en endurance.







