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Bennacer Boulaajoul : “Une réforme ciblée est indispensable pour professionnaliser le marché”

Bennacer Boulaajoul
Directeur général de la NARSA

La digitalisation du marché des véhicules d’occasion, portée par la NARSA, marque un tournant décisif vers plus de transparence, de traçabilité et de confiance. Entre dématérialisation des procédures, interconnexion avec les institutions publiques et lutte contre l’informel, Bennacer Boulaajoul détaille les avancées et les réformes en cours pour structurer durablement le secteur.

Comment évaluez-vous l’impact de la digitalisation initiée par la NARSA sur la transparence et l’efficacité du marché des véhicules d’occasion ?
La digitalisation constitue une avancée majeure pour le marché des véhicules d’occasion au Maroc. Depuis 2023, la NARSA a mis en place le portail de mutation des véhicules et le système de contrôle technique en temps réel. Grâce à ces outils, les délais de traitement ont été considérablement réduits et les risques de falsification fortement diminués.

Les usagers peuvent désormais suivre leurs démarches en ligne et accéder à des informations fiables, notamment sur les oppositions administratives affectant le véhicule. Aucune transaction n’est autorisée si le véhicule est frappé d’une opposition émanant d’institutions telles que la Direction générale des impôts, la Trésorerie générale du Royaume ou les tribunaux. Cette transparence renforce la confiance et la sécurité juridique des transactions, tout en protégeant les droits des vendeurs et des acheteurs.

Quels sont les principaux défis liés au processus de mutation des véhicules d’occasion et comment les surmonter ?
Les défis résident principalement dans la fiabilité des données et la coordination entre les différents acteurs : administrations, professionnels de l’automobile, assureurs et sociétés de financement. Il est essentiel de garantir l’exactitude et la disponibilité de toutes les informations relatives au véhicule — immatriculation, kilométrage, conformité, sinistres éventuels. La NARSA travaille à renforcer les échanges de données informatisés avec les autres institutions afin d’automatiser la vérification des documents et d’assurer une traçabilité complète du véhicule tout au long de son cycle de vie.

Le secteur informel reste-t-il un défi majeur ? Quelles solutions proposez-vous pour y remédier ?
Le secteur informel demeure un défi important, notamment à travers les ventes par procuration. Bien que permises par le Dahir des obligations et des contrats, elles sont souvent utilisées pour contourner les droits de mutation et échapper à la traçabilité administrative. Pour y remédier, la NARSA agit sur plusieurs leviers : digitalisation et simplification des procédures pour encourager les démarches formelles, sensibilisation du public aux risques de l’informel et encadrement des intermédiaires par des mécanismes de certification et d’agrément.

La NARSA a également intensifié les échanges de données avec plusieurs acteurs — DGI, TGR, ministère de la Justice, Centres de contrôle technique et compagnies d’assurances. Ainsi, aucune opération d’assurance ne peut être effectuée sans authentification préalable du véhicule et de son propriétaire.

Un projet d’échange avec les sociétés de financement est également en cours pour sécuriser les mains levées sur les véhicules vendus à crédit. Sur le plan réglementaire, un décret adopté le 25 juin 2025 autorise désormais l’immatriculation du véhicule soit dans le lieu de résidence de l’acheteur, soit dans celui du vendeur. Enfin, un nouveau système intégré d’immatriculation, actuellement testé avec les membres de l’AIVAM et du GPLC, permettra de digitaliser l’ensemble des opérations, y compris celles des véhicules d’occasion.

Comment expliquez-vous les marges parfois élevées sur les véhicules d’occasion ?
Le marché des véhicules d’occasion est libre au Maroc ; les prix résultent d’un accord entre le vendeur et l’acheteur. En l’absence d’un registre officiel recensant les prix réels des transactions, il reste difficile d’évaluer précisément les marges pratiquées.

Cette opacité découle du poids de l’informel et de la diversité des critères de valorisation : état du véhicule, rareté du modèle, réputation, disponibilité des pièces, demande, etc. La NARSA plaide pour la création d’un système national de traçabilité et de cotation des véhicules, afin de disposer de données fiables, réguler les marges et renforcer la confiance entre acheteurs et vendeurs.

Quelles évolutions réglementaires seraient nécessaires pour structurer davantage le secteur ?
Une réforme ciblée est indispensable pour professionnaliser le marché. Elle pourrait instaurer un statut officiel des revendeurs et des intermédiaires, définir leurs obligations légales et introduire des mécanismes de certification. La mise en place d’un portail d’accès à l’historique des véhicules et d’un référentiel de valeur renforcerait la transparence et la protection du consommateur. La NARSA accompagne activement ces réflexions dans une logique de modernisation et de confiance impliquant l’ensemble des acteurs du secteur.

Quels sont les moyens déployés pour éradiquer le secteur informel ?
L’éradication du secteur informel repose sur trois leviers : la digitalisation, pour simplifier et sécuriser les démarches ; le renforcement des contrôles, afin de garantir la conformité des transactions ; et la réglementation, pour structurer le secteur et responsabiliser les acteurs.

Des partenariats sont également développés avec le secteur privé pour encourager la formalisation des circuits de vente. L’implication croissante des concessionnaires automobiles dans la vente de véhicules d’occasion est une avancée majeure, offrant aux consommateurs davantage de sécurité, de qualité et de transparence.

Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO


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