Exclusif. BYD : dans l’antre du géant chinois de l’électromobilité

De Shenzhen à Zhengzhou, récit d’une immersion dans l’univers du géant mondial du véhicule électrique. Entre mégafactory, laboratoire de crash-tests, circuits privés et ambitions africaines, la machine BYD se dévoile dans toute sa puissance industrielle et stratégique.
Shenzhen, samedi après-midi. À peine sortis de l’aéroport après un périple de 15 heures, un panneau «BYD» nous accueille dans le hall d’arrivée. La température flirte avec les 40°C et l’humidité ambiante donne immédiatement le ton : nous sommes bien en Chine du Sud, à la veille d’une plongée au cœur du plus grand constructeur mondial de véhicules à énergies nouvelles (NEV).
Pour une délégation triée sur le volet de journalistes d’Afrique et du Moyen-Orient, le voyage promet une série de découvertes et de «premières mondiales». C’est en effet totalement inédit que ce mastodonte de l’économie chinoise ouvre ainsi ses portes aux médias de la région Mena. Et le programme fut le moins que l’on puisse dire riche. Cinq jours d’immersion complète dans le fief du numéro 1 mondial de la mobilité électrique.
De l’usine ultra-moderne de Zhengzhou aux circuits de test futuristes, en passant par les laboratoires NVH (son) et EMC (crash tests) ou le musée Di-Space, l’expérience BYD E-Journey a été riche en émotion.
«Ceci n’est pas un simple voyage de presse. C’est une démonstration de force, calibrée à la seconde près, pour marquer les esprits. BYD ne vend pas que des voitures, il vend une vision», témoigne un journaliste émirati présent sur place.
Shenzhen, la Silicon Valley chinoise est tout naturellement le berceau de BYD qui y a été en 1994, au départ, comme fabricant de batteries. La société est aujourd’hui un empire pesant plusieurs milliards, couvrant quatre secteurs : automobile, rail, électronique et énergie.
En 2024, BYD a écoulé plus de 4,27 millions de véhicules électrifiés, pour une troisième année consécutive en tête du marché mondial. Il fait mieux encore puisqu’il réalise, comme nous l’a confié en exclusivité Stella Li, Executive VP de BYD, une croissance de 39% de ses revenus au terme du premier semestre. Une prouesse qui est imputable à un modèle propre à cette «jeune société» d’ingénieurs qui privilégie la croissance organique.
Un siège social colossal
C’est cet esprit que l’on ressent à l’entrée du siège social du constructeur. Ici, on pénètre un écosystème total. Le siège social de BYD, d’une ampleur colossale, emploie à lui seul près de 400.000 personnes, soit quasiment la moitié du million de salariés que compte le groupe à l’échelle mondiale, soit une population équivalente à celle de Bahreïn.
Chaque jour, le site accueille jusqu’à 2.000 visiteurs, du chef d’État au client curieux, dans ce que l’on pourrait presque appeler une capitale privée de la transition énergétique. Sur place, on découvre que les gammes BYD, Denza et Yangwang brillent dans un ballet scénographié.
Design «Ocean Aesthetics», batteries Blade à haute sécurité, plateformes intelligentes e3 et e4, tout est pensé pour impressionner et montrer la toute puissance de constructeur chinois.
«Notre but n’est pas seulement d’innover, mais de rendre ces innovations accessibles et désirables à l’échelle planétaire», explique Ad Huang, directeur général BYD pour l’Afrique et le Moyen-Orient. L’endroit abrite aussi les derniers brevets, innovations de rupture, prototypes et technologies internes.
Une puissance technologique à peine croyable
Il faut le vivre pour le croire : BYD est l’une des plus jeunes compagnies automobiles de son secteur… et pourtant probablement la plus technologique. Avec plus de 120.000 ingénieurs, 11 centres R&D répartis dans le monde et des investissements de plus de 160 milliards de RMB en innovation, le constructeur a choisi la voie de l’intégration verticale et de la souveraineté industrielle.
Nous avons visité le centre de crash-test : des centaines de véhicules y sont méthodiquement détruits chaque année, testés dans des conditions extrêmes pour améliorer sécurité, absorption des chocs, structures en CTB (Cell-to-Body). Rien n’est laissé au hasard.
Zhengzhou : la fabrique du futur
Mercredi, changement de décor. Départ en avion (3 heures de vol). À Zhengzhou, dans le centre industriel de la Chine, se trouve l’un des sites les plus vastes de l’histoire automobile moderne. L’usine de BYD, bâtie en un temps record dans la zone économique de l’aéroport, couvre une superficie colossale. Chaque minute, un véhicule électrique sort des lignes d’assemblage. Toutes les trois secondes, une cellule de batterie est produite. Sur place, tout est fait maison. Du châssis à la batterie, du logiciel embarqué aux moteurs.
L’usine est structurée en 17 blocs de production indépendants, chacun intégrant environ 600 robots industriels d’une valeur moyenne de 500.000 yuans par unité. Le taux de robotisation atteint 97,7%, un record mondial dans l’industrie automobile. Le plus saisissant : le rythme de production. Ce site est capable de produire 800 véhicules par jour. Toutes les 45 secondes, une voiture sort de la chaîne. Le tout dans une chorégraphie presque silencieuse, coordonnée par l’IA, les bras robotisés et des équipes humaines formées aux normes de précision les plus strictes.
En 2024, le site a fabriqué 550.000 véhicules pour une valeur de 86 milliards de RMB, soit près de 11 milliards d’euros. À elle seule, cette base incarne l’avance prise par BYD dans la course mondiale à l’électrique. Rappelons que cette usine est l’une des huit usines du constructeur en Chine.
Circuit d’essai inédit : premières sensations à grande vitesse
Le troisième jour marque un tournant : BYD nous emmène sur son nouveau circuit d’essai privé, à proximité directe de l’usine. Aucun journaliste étranger n’avait mis les pieds sur le BYD Zhengzhou Circuit avant nous, une piste conçue pour repousser les limites, nous découvrons des prototypes inédits. L’un d’eux : un SUV électrique encore non dévoilé, à quatre moteurs indépendants, qui grimpe une rampe à 45 degrés comme un cabri.
Le même franchit une piscine artificielle, simule une perte d’adhérence sur glace… et s’en sort sans broncher. Cette démonstration est celle du label Yangwang, la marque ultra-luxe de BYD. Son modèle U8, bientôt lancé au Moyen-Orient, qui est également capable de flotter. Nous avons pu tester plusieurs modèles dont le U9, la supercar qui saute et qui danse sur différents tracés : virages serrés, accélérations, freinage d’urgence, courbes rapides, drift…
Stratégie en Afrique : déploiement accéléré
Depuis mars 2023, BYD a entamé un déploiement offensif dans le Moyen-Orient et en Afrique. Avec des partenaires locaux solides, la marque est déjà présente dans 30 pays (dont le Maroc, la Tunisie, l’Arabie Saoudite, le Koweït, l’Afrique du Sud…). En moins de deux ans, elle s’est imposée comme un acteur clé dans la promotion de la mobilité propre.
D’ailleurs, l’implantation au Maroc, en partenariat avec Auto Nejma, est considéré comme un modèle dans la région. Il faut dire que la marque y réalise des prouesses. La stratégie de BYD dans la région repose sur une gamme large et des produits adaptés aux attentes locales : climatisation renforcée, batteries plus résistantes aux températures élevées, services connectés.
À travers ses usines, ses circuits, ses marques (BYD, Denza, Yangwang), et ses investissements dans les régions émergentes, BYD n’est pas simplement un constructeur. Il incarne une vision industrielle intégrée, qui mêle souveraineté technologique, puissance de production et diplomatie verte. Un modèle qui, de Shenzhen à Casablanca, redéfinit les équilibres de la mobilité mondiale.
«Nous ne voulons pas seulement faire rouler des voitures électriques. Nous ambitionnons de changer les règles du jeu mondial. Et BYD, manifestement, est déjà dans la course… bien devant les autres», conclut Li.
DNES en Chine, Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO