Le Maroc à l’aube d’un nouvel équilibre du marché VO

Porté par plus de 700.000 transactions par an, le marché marocain du véhicule d’occasion entre dans une phase de structuration sans précédent. Digitalisation, fiscalité, encadrement des revendeurs et transparence des prix : l’ensemble de la filière se prépare à une mutation profonde. Entre volontarisme public et initiatives privées, le Royaume trace la voie d’un marché automobile plus formel et durable. Le pari n’est cependant pas gagné d’avance.
La NARSA a bien engagé une transformation majeure, avec le lancement de la plateforme mutationvehicule.ma. Le dispositif permet de dématérialiser les transferts de propriété, de vérifier les oppositions fiscales et judiciaires, et d’intégrer les données des contrôles techniques.
Pour son directeur général, Benacer Boulaajoul, la digitalisation n’est pas une simple réforme administrative : «L’objectif est d’instaurer une traçabilité complète du cycle de vie du véhicule, depuis son immatriculation jusqu’à sa revente.»
L’agence vise une interconnexion totale avec la Direction générale des impôts, la Trésorerie générale du Royaume, les assureurs et, à terme, les sociétés de financement. Mais la transition reste perfectible : lenteurs, rigidité des procédures et disparités régionales freinent encore les professionnels. Kaled Salim, DG de Globaloccaz, salue la réforme tout en réclamant «une phase d’ajustement rapide pour fluidifier les mutations».
Vers un statut reconnu du revendeur d’occasion
La structuration du marché suppose aussi la reconnaissance du revendeur d’occasion comme acteur économique à part entière. Près de 90% des transactions échappent encore au circuit formel, dominé par des intermédiaires sans statut légal.
Pour Abdelouahab Ennaciri, président de l’AIVAM, il est temps d’encadrer la profession : «Le revendeur doit être soumis à des obligations, mais aussi bénéficier de droits.» Chez Kia Occasion, Rhita Chahir plaide pour une intégration progressive : «Il faut attirer l’informel par l’incitation, non par la sanction.» Cédric Veau, DG de Bamotors propose, pour sa part, la création d’un registre national des revendeurs, à l’image des modèles européens pour assainir la concurrence et sécuriser les transactions.
Le besoin d’une cote nationale
Depuis la disparition de l’Argus Maroc, le marché évolue sans référentiel clair. Les écarts de prix peuvent atteindre 20% d’une ville à l’autre. Pour El Mahdi Moukni, directeur de Toyota Occasions, «un marché mature ne peut pas fonctionner sans un référentiel commun». Une cote nationale publique, adossée aux données de la NARSA (kilométrage, âge, historique), permettrait d’établir des prix objectifs et de soutenir les financements automobiles. Selon Abdelouahab Ennaciri, la transparence tarifaire est une condition essentielle à la bancarisation du marché et à la confiance des particuliers.
Le déflottage : un moteur de régénération
Le déflottage des véhicules de leasing et de location s’annonce comme un tournant pour le marché de la seconde main. Selon Adil Bennani, DG d’Auto Nejma, cette arrivée massive de voitures récentes et bien entretenues va «stabiliser les prix et améliorer la qualité moyenne du parc roulant». Ce phénomène apportera de la visibilité aux réseaux labellisés et réduira l’emprise des circuits informels. Il contribuera aussi à renforcer la confiance des acheteurs grâce à des véhicules mieux traçables.
L’informel, talon d’Achille du secteur
Malgré ces avancées, l’informel demeure dominant. Pour Thibault Paland, DG de Renault Commerce Maroc, il concentre «l’essentiel des distorsions du marché». Tant que la majorité des transactions échappent au contrôle, l’objectif de transparence reste hors de portée.
Ziyad Kalam, directeur de Spoticar, estime toutefois que la solution passe par la valeur ajoutée, non par la répression : «Ce que nous vendons, c’est la tranquillité : garantie, révision, certification. La confiance du consommateur se reconstruit dans la durée.» Les réseaux organisés incarnent cette montée en professionnalisation, posant les bases d’un marché plus structuré et compétitif.
Une convergence public-privé en marche
Les lignes bougent. La NARSA accélère la digitalisation, l’AIVAM défend un cadre légal cohérent et les distributeurs investissent dans la professionnalisation de la filière. Une même conviction s’impose : la confiance est la clé de voûte du marché sauf qu’elle ne se décrète pas mais se construit, selon Boulaajoul. Si cette synergie se confirme, le Maroc pourrait devenir, à horizon trois à cinq ans, une référence en matière de structuration du marché automobile.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO







