Essai-hors piste : Land Rover Defender Experience, un “Landrolâtre” témoigne
Les Britanniques ont offert un nombre incalculable de trucs «cool» à l’humanité : le foot (et un paquet d’autres sports), la télévision, The Beatles, Pink Floyd, ou encore les antibiotiques, mais aussi un chapelet d’automobiles iconiques, parmi lesquelles le Land Rover Defender. Une icône de l’aventure à quatre roues qui s’est réinventée avec talent en 2020 et qui n’a rien perdu des capacités de franchissement hors du commun des aînés. Nous avons pu nous en rendre compte à l’occasion de la “Defender Experience”, une expédition dans les regs rugueux du désert d’Agafay.
Instant “Bernard Pivot” pour démarrer : «L’androlâtre est un individu qui voue une admiration excessive et idolâtre envers un homme considéré comme divin ou doté de qualités exceptionnelles. Cette vénération se manifeste généralement par des comportements d’adoration, de dévotion et de soumission envers la personne idéalisée.» Merci, lalanguefrançaise.net. L’andolâtre, c’est le “Stan”, le “fanboy” Alpha de Ronaldo, ou la BFFF (best friend forever fantasmée) de Kendall Jenner. Le Landrolâtre, c’est la même !
Sauf que l’objet de l’adoration est un quatre-roues (motrices) plutôt qu’un bipède, le plus iconique de tous les Land Rover, celui par qui tout a commencé, l’auguste Defender. Cette appellation a vu le jour en 1990, sur la Phase 2 du Land Rover 110 – apparu sept ans plus tôt -, et a été abandonnée en 2016, avant le “revival” patronymique de 2020, l’arrivée du Defender II, de l’héritier, dépositaire d’une tradition quasi séculaire, ayant vu le jour voilà plus de 75 ans, en 1948, avec le “papy” Series 1.
Bref, on est dans l’aristocratie automobile, dans le pedigree de compétition. Le challenge le plus délicat qu’ont eu à relever les concepteurs du Defender des temps modernes a été de réinventer la légende, de rester fidèles aux préceptes de base, de produire un véhicule capable de s’aventurer là où tous les autres s’enlisent ou jettent l’éponge, tout en faisant en sorte que cet aventurier endurci puisse tenir la dragée haute aux meilleurs d’entre eux en matière de confort, de connectivité, de sécurité passive et active, d’efficience énergétique… Eu égard à leurs origines martiales, les aînés ne s’embarrassaient pas de ces considérations. Oui, mais voilà ! Les temps ont changé. Les 4×4 ont cédé la place aux SUV, aux crossovers, dont le “business model” est d’être bon partout, d’en offrir autant qu’une berline et un monospace réunis (les deux segments phagocytés par la prise de pouvoir des crossovers).
Défi(nder) relevé
À en juger par notre ressenti au terme de la “Defender Experience” et par le feedback des autres journalistes et des influenceurs ayant pris part à cet événement organisé par Smeia, importateur exclusif de Jaguar Land Rover au Maroc, les géniteurs de la “new gen” du Defender ont relevé avec brio le défi de la résurrection. Le Defender II, c’est un peu la “911 Singer” du hors-piste, le “restomod” state-of-the-art d’une auto de légende. Le néo-rétro dans toute sa splendeur.
Le crush, on l’a eu dans le showroom de la marque, à Casablanca, au départ de notre “rallye-raid”, de notre expédition vers “Never-Land”, de notre (White) Camel Trophy… Là, un Defender 90 premier du nom “état concours” faisait face à la relève, un Defender II 110 D250 flambant neuf. La première chose qui vient à l’esprit de tout “car enthousiast” normalement constitué est qu’idéalement, il faut les deux dans le “dream garage”. Rêvasseries mises à part, l’occasion est idéale pour un avant/après. L’air de famille saute aux mirettes. Les clins d’œil au passé sont légion… et savoureux : silhouette cubique, carrure hors norme (5,02 m de long, 2,01 m de large et 1,97 m de haut), formes des signatures lumineuses avant et arrière, des boucliers “taillés dans la masse”, toit de couleur contrastée, petites meurtrières horizontales en surplomb des vitres arrière…
Des racines et des ailes
On peut également saluer l’équilibre trouvé, à bord, entre tradition et modernité, de même qu’entre esprit aventurier et raffinement. Si le Defender II respecte le standing et l’étiquette de sa famille contemporaine, les autres membres du line-up actuel de la marque, notamment en matière de choix des matériaux, de qualité perçue ou d’insonorisation, il n’en oublie pas pour autant le devoir de mémoire, ose les vis apparentes, la planche de bord creuse, les poignées de maintien qui la jalonnent… L’heure du départ a sonné : nos compagnons de voyage motorisés, quatre Defender 110 et un 130 (la version 7 places), s’ébrouent, s’extraient du trafic casablancais. Première étape (de liaison) de l’expédition, rejoindre Agafay et notre “desert camp”, via Marrakech. L’épreuve de l’autoroute. Ce n’était pas du tout la tasse de thé des Defender d’antan !
Leur héritier s’en sort avec les honneurs, pour sa part. Le gabarit, mais aussi le poids de notre voiture d’essai, un Defender 110 affichant 2,2 tonnes sur la balance, se font oublier. La prise de roulis, le tangage, les mouvements de caisse, sont contenus à leur portion congrue. La structure monocoque en aluminium et les suspensions indépendantes du Defender II font très convenablement le taf. Même son de cloche en ce qui concerne le groupe motopropulseur, constitué d’un six-cylindres en ligne Ingenium turbodiesel de 3 litres de cylindrée, un grand gaillard de 250 chevaux et 570 Nm de couple, et d’une boîte de vitesses automatique à huit rapports. Un tandem de choc.
Un as sur l’asphalte
Sur route, les Defender 110 et 130 s’adaptent à leurs conducteurs et à leur humeur. On peut conduire “sur le couple”, cruiser tranquillement, “aux allures légales”, en huitième à moins de 2.000 trs/min, et profiter du silence de cathédrale qui règne alors dans l’habitacle. L’insonorisation est à donner en exemple. Les bruits de roulement et aérodynamiques n’ont pas droit de cité à bord. Les amateurs du grand frisson préféreront l’autre option : sélectionner le mode Sport, taper des “kickdowns”, réaliser des dépassements éclairs, pousser le six-en-ligne dans les tours, titiller le rupteur et se délecter de la hargne de ce moulin autant que de sa musicalité – en mode De-Fender Stratocaster -, mais aussi de la direction précise, des freins mordants, des pneus Goodyear “Wrangler” (sic) qui bossent bien et en silence…
Dans les phases de fortes relances, on sent la transmission intégrale travailler pour garantir la meilleure adhérence possible, pour passer au sol l’intégralité du couple. Une petite séance d’échauffement en attendant les choses sérieuses. Étrennée par le Defender II, cette transmission “dispatche” toute seule, comme une grande, et instantanément, en temps réel comme d’aucuns se plaisent à dire, le couple entre les essieux ou entre chacune des roues en fonction des conditions, de l’état de la route ou de la météo.
Land-uro
L’essai du Defender a pris une autre tournure quand l’asphalte a cédé la place aux premières difficultés. Dès la piste menant à notre campement ethno-chic, le White Camel Lodges & Tents d’Agafay, notre monture enlève le masque du SUV bien sous tous rapports. On se rend alors compte que rien n’a changé. Oui, le nouveau Defender est bardé d’électronique. Il est infiniment plus confortable et luxueux que ses aïeuls. Mais il n’a rien perdu de leurs aptitudes en off-road. On a même affaire à un légataire universel qui fructifie le legs familial.
En fait, avec sa boîte de vitesses double gamme et son blocage de différentiel central et arrière actif, il est capable d’autant de prouesses que ses devanciers, mais en demande moins à son conducteur grâce au concours des nombreuses aides à la conduite hors-piste que comporte le “protocole” Terrain Response 2 de Land Rover. S’aventurer bien plus loin et à un rythme plus soutenu que tout ce qui roule sur quatre roues devient une sinécure. Même une moto d’enduro pourrait rendre les armes avant le Defender…
Les SUV dotés d’une transmission aux quatre roues motrices “lambda” auraient éprouvé les plus grandes peines du monde à se dépatouiller des difficultés rencontrées lors de notre périple, essuyées d’un revers de la main flegmatique par la bête. Les moniteurs français dépêchés par Solihull pour cette “journey” nous ont proposé des ateliers “franchissement de dévers”, “croisement de pont”… “Se mettre sur deux pattes” a été une formalité pour les quatre Defender 110 et leur grand frère 130 (5,35 m de long) qui composent notre convoi en compagnie de la “guest-star”, un Defender 90 qui nous attendait à Agafay et dont le gabarit de poche, à savoir 4,32 m de long et un empattement de 2,59 m, raboté de 43 cm par rapport à la version 110, a fait (encore plus) merveille lors desdits ateliers.
Le prix de l’excellence
Le lendemain, à l’occasion d’une longue boucle autour de notre “glamping”, digne d’une spéciale de rallye-raid, rebelote. Nos véhicules d’essai ont fait étalage de leur aisance en toutes circonstances et de leur agilité au-dessus de la mêlée.
Pour affronter l’erg de l’arrière-pays marrakchi, il suffit de procéder à quelques réglages, de sélectionner, comme nous ont invités à le faire nos moniteurs, la boîte courte et le mode “Rocaille”. On se prend alors rapidement pour Al-Attiyah ou Kleinschmidt avec le coup de pouce de la “fée électronique”… Même l’épreuve du “Pain de sucre”, un piton rocheux aux deux versants particulièrement abrupts, a été un jeu d’enfant. Ça aide, le régulateur de vitesse off-road et le freinage automatique en pente.
Seul petit regret, du fait de cette empêcheuse de tourner en rond qu’est la sécheresse, nous n’avons pas pu tester le programme Wade du Terrain Response, dédié aux passages de gués (jusqu’à 90 cm de profondeur). Si vous avez un budget confortable et l’âme d’un aventurier, ou, tout simplement, une inclination pour les beaux objets, le nouveau Land Rover Defender est un must have ! Les tarifs de la variante 90 démarrent à 850.000 DH. Il faut une petite rallonge de 17.500 DH pour pouvoir prétendre à la déclinaison 110, tandis que le Defender 130 dépasse de 36.100 DH la barre du million.
Mehdi Labboudi / Les Inspirations ÉCO AUTOMOBILE